Comme chaque année, les catholiques s’apprêtent à célébrer avec ferveur le Mystère pascal de la mort et de la résurrection de Jésus. C’est le sommet de l’année chrétienne, la source de notre foi. Au cœur même de nos épreuves, nous confessons la victoire du Ressuscité !
J’ai conscience toutefois qu’il règne aujourd’hui dans le monde une atmosphère de mort qui pourrait bien gravement remettre en cause la joie de Pâques. Que l’on pense à la guerre d’agression meurtrière qui sévit en Ukraine avec son lot de familles jetées sur les routes et contraintes à l’exil, de combats sanglants et d’exécutions sommaires, avec le risque d’une escalade de la violence dont on ne saurait prévoir l’issue pour l’Europe et le monde. Nous ne pouvons pas oublier non plus le peuple arménien du Haut-Karabagh agressé cruellement par l’Azerbaïdjan en 2020 et dont le patrimoine culturel est aujourd’hui systématiquement détruit par les islamistes, dans l’indifférence générale. Et tant d’autres conflits meurtriers dans le monde, comme au Yémen, avec des complicités internationales… Par ailleurs, le résultat du premier tour des élections présidentielles en France n’est-il pas l’expression du profond malaise qui traverse la société française, signe d’une réelle insatisfaction, d’une colère latente et de profondes fractures ?
Comment célébrer Pâques dans ces conditions ? Qui nous libérera de ces épreuves qui s’abattent sur notre monde en feu ? « Mais c’est la nuit qu’il est beau de croire à la lumière ». C’est alors que tout semblait perdu, lorsque Jésus, qui avait soulevé tant d’enthousiasme parmi le peuple, nourri tant d’espoirs déçus, expira sur la croix, que la vie jaillit de la mort et que la plus belle profession de foi de l’Evangile fut arrachée au cœur d’un soldat païen : « Le centurion qui était là face à Jésus, voyant comment il avait expiré, déclara : ‘’Vraiment, cet homme était Fils de Dieu !’’ » (Mc 15, 39).
Il ne manque pas de témoignages de chrétiens qui confessent la victoire du crucifié et qui puisent dans leur foi la force de tenir dans la confiance et de prendre soin de leurs frères et sœurs terrorisés et découragés par les épreuves qu’ils traversent. Que l’on pense à la mobilisation de ceux qui accueillent et accompagnent les réfugiés ukrainiens, fuyant l’insécurité de leur terre agressée. Que l’on pense aussi au témoignage de chrétiens demeurés en Ukraine pour soutenir leurs frères et sœurs éprouvés, comme celui-ci qui nous est parvenu : « Ceux qui sont restés dans les villes à grand risque ne veulent pas s’en aller… Ils disent qu’ils sont en train de toucher le ciel, que la présence de Dieu est si forte que, malgré la peur des bombes et des explosions, quand ils ouvrent une parole au hasard et dans la prière, le Seigneur les pousse à rester là. Nous leur disons de ne pas laisser la haine entrer dans leur cœur et beaucoup nous disent qu’ils prient pour leurs ennemis ».
Oui, « La victoire remportée sur le monde, c’est notre foi » (1 Jn 5, 4). Dans un monde marqué par un humanisme immanentiste, fermé à la transcendance, nos contemporains sont d’autant plus démunis devant les nuages sombres qui s’amoncellent à l’horizon et sont de plus en plus gagnés par l’angoisse et le découragement. D’où l’urgence pour les chrétiens de donner un témoignage courageux et joyeux de leur foi et de puiser dans la Passion, la mort et la Résurrection de Jésus la force de donner une parole de vie à celui qui est épuisé, un geste de consolation à celui qui a le cœur brisé.
Le Seigneur est ressuscité, il est vraiment ressuscité !
Saintes et joyeuses fêtes de Pâques !
+ Marc Aillet, évêque de Bayonne, Lescar et Oloron